Secrets de photographes
Cyril Lalande







Boîtier : EOS 5
Objectif : EF 50mm/1,8
Ouverture : f/8
Temps de pose : 10 min (pose B)
Film : EPY 64T
Filtres : Cokin - Warm, Bleu et Vert
Pied : Slik - ABLE 300 DX
Eclairage : Maglite 2 piles
Scanner : Imacon - Flextight Precision III 6300 dpi
Logiciels : Photoshop 5 LE
Développement : Dupon (laboratoire professionnel)
Autres : Déclencheur souple, moustiquaire, foulard, fond noir en tissu, drap blanc, scotch double face.



             L'éclairage de cette photo est réalisé à l'aide d'une simple lampe torche. Il est quasiment impossible d'obtenir le même résultat avec des flashs. La raison en est simple : la lampe est déplacée pendant la prise de vue. Ainsi, la lumière provient d'une infinité de directions différentes ce qui est hors de portée des flashs.

             Cet éclairage nécessite une pose longue. De ce fait, il impose un certain nombre de contraintes dans le cadre d'un nu. La photo ci-dessus a nécessité un temps de pose d'environ 10 minutes. J'ai donc travaillé sur pied en pose longue. A l'instar de l'appareil photo, le modèle doit lui aussi demeurer longtemps immobile. Cela élimine tout un ensemble de poses qu'il est impossible de conserver si longtemps sans bouger. De plus, même si une pose est très stable, elle peut souvent se révéler vite inconfortable pour le modèle. Il est donc indispensable de la penser, non seulement par rapport à la plastique du modèle, mais aussi par rapport à son confort et ses possibilités de rester immobile. Sur cette photo, j'ai choisi de placer le modèle sur un lit, bien plus confortable que le sol et dans une position qui ne demandait quasiment aucune tension musculaire. Le fond est constitué d'un tissu noir collé sur le mur à l'aide d'un scotch double-face. Le lit est recouvert d'un drap blanc. Une moustiquaire est suspendue au-dessus. Un foulard est noué autour des fesses du modèle.

             Le visage n'apparaît pas sur la photo. Il y a deux raisons à cela. Premièrement, l'éclairage étant peu naturel, il ne met pas en valeur le visage comme peut le faire un flash de studio. Deuxièmement, il est difficile d'obtenir une jolie expression lorsque le modèle se concentre pour ne pas bouger, et notamment ne pas cligner des yeux malgré la lumière brutale.

             Une fois le cadrage réalisé, je pense aux parcours que je vais faire suivre à ma lampe. Il n'est pas question d'improviser une fois la photo commencée. En général, je répète quelques fois le trajet de la lampe avant la prise de vue. Cela a été le cas pour celle-ci.

             L'éclairage de la photo a été décomposé en 4 zones : la peau du modèle, le foulard, le drap, et la moustiquaire. Chaque zone a été filtrée différemment. La température de couleur de la lampe étant basse, elle est corrigée grâce à l'usage d'un film tungstène. Le résultat neutre de cette association convenait très bien au foulard, présentant naturellement de jolies couleurs. Pour la peau, j'ai tenu un filtre cokin warm devant la lampe, de façon à bronzer un peu la peau du modèle. Le drap blanc a été éclairé avec un filtre vert, et la moustiquaire, blanche elle aussi, a été éclairée en bleu. Je préfère tenir le filtre devant la lampe plutôt que de le mettre devant l'objectif pour 3 raisons : parce que cela évite tout risque de déplacement de l'axe de l'objectif, parce que cela n'altère pas le rendu optique de l'objectif, et enfin, parce que cela me permet de changer de filtre plus rapidement.

             L'éclairage le plus délicat est bien sûr celui de la peau. J'ai voulu éviter de créer un effet trop étrange. Pour cela, il m'a fallu d'une part respecter les lignes du corps dans le parcours de la lampe, et d'autre part ne passer qu'une fois sur chaque partie, pour éviter de créer des dessins incongrus. Le diamètre du faisceau de la torche doit être légèrement supérieur à la partie à éclairer, sous peine de voir une ligne de lumière au centre de ce que l'on veut éclairer au lieu d'un éclairage complet. Ceci est dû à la conjonction de deux effets. D'une part, ce qui est directement au centre du faisceau est éclairé plus longtemps que ce qui est en périphérie. D'autre part, le centre du faisceau est plus lumineux.

             Une fois le parcours de la lampe et la largeur du faisceau choisis, il faut déterminer la vitesse de déplacement du faisceau de façon à obtenir une exposition correcte. C'est d'autant plus difficile que j'utilise un film positif et que la quantité de lumière dépend de plusieurs paramètres dont certains ne sont pas quantifiables exactement en situation (distance entre la lampe et le sujet, largeur du faisceau, nature du filtre utilisé, écart à la loi de réciprocité, voire l'état des piles). J'ai appris à obtenir de bons résultats en fixant certaines variables. Je travaille toujours en 64 iso à f/8, avec la même lampe.

             J'ai dû passer environ 20 à 30s pour éclairer le modèle. Au moment où je passe sur le ventre je lui ai demandé de bloquer sa respiration pour limiter au maximum le flou résultant des micro-déplacements.

             L'exposition est d'autant plus facile que la lumière est filtrée ! En effet, on ne peut quasiment pas surexposer une lumière très filtrée. Pourquoi? Parce qu'elle ne va faire réagir que certains grains d'argent. Si je filtre fortement en bleu, au bout d'un moment tous les grains d'argent réagissant au bleu ont réagi, mais pour que ceux sensibles au rouge en fassent autant, il faudrait qu'il se passe beaucoup de temps. Trop pour pouvoir surexposer dans une situation où l'écart à la loi de réciprocité commence à se faire sentir. Bref, lorsque la lumière est très filtrée, il ne faut pas avoir peur d'exposer longuement. C'est ce que j'ai fait avec le tulle de la moustiquaire. Je l'ai éclairé à partir d'un très grand nombre de points en faisant toujours attention à ne pas orienter la lumière vers le modèle ou vers le fond noir.

             L'éclairage du drap pose un problème spécifique : Il n'est pas question de faire empiéter la lumière verte sur le modèle. J'ai donc pris la précaution de ne pas passer trop près.

             Que ce soit pendant l'éclairage du tulle ou celui du drap, le modèle doit continuer de rester immobile, car même si ses mouvements sont alors moins préjudiciables, il n'en demeure pas moins que la lampe éclaire tout de même légèrement le modèle quelle que soit sa direction.

             Pendant tout l'éclairage, je veille à deux choses. Premièrement, je ne dois pas être sur l'axe allant de l'objectif à la partie que j'éclaire, sous peine de ne pas impressionner le film. Deuxièmement, mon corps doit toujours s'interposer entre l'avant de la lampe et l'objectif lorsque celle-ci est dans le champ. Par contre il n'est pas nécessaire d'éviter d'être dans le champ à partir du moment où ces deux règles sont respectées.

             La pose n'étant pas très difficile à tenir, j'ai fait 3 fois la prise de vue, en changeant notamment l'éclairage de la moustiquaire.

             Le scan a été réalisé par Guy-Michel Cogné sur un Imacon. Le résultat n'a quasiment pas été retouché sous Photoshop mises à part quelques petites repiques et un léger ajustement des niveaux.