Secrets de photographes
Jean-Charles Lemasson







Boîtier : Canon EOS 1N
Objectif : Canon 2.8/70-200 L
Film : Fujichrome Sensia 100
Focale : Approximativement 200mm



Le contexte:

             Cette photo a été prise au Tibet un matin de septembre 95. On y voit la chaîne enneigée du Nöjin Kangzang (7223m) qui borde la plaine du lac Yamdrok Tso au sud-ouest de Lhasa.

             Nous étions arrivés la veille sous la pluie et les nuages bas pour camper à cet endroit dont nous ne distinguions alors que les environs immédiats. Au matin, en sortant de la tente, les nuages commencèrent à se dissiper et soudainement une trouée lumineuse déchira le ciel et dévoila pour quelques minutes ce fabuleux paysage aux alentours.

             Autour de nous s'étendaient des champs d'orge mûrs que la présence furtive du soleil fit briller de tous ses feux comme la neige fraîche tombée au lointain sur les sommets. Le tout donnait un tableau où se mêlaient l'éclat et la subtilité des teintes, la violence des lumières et la douceur des contrastes, l'ensemble jouant à cache-cache pendant ces quelques minutes bien éphémères.


Le réflexe photographique:

             Ce spectacle qui s'offrait à moi a instinctivement réveillé mes réflexes photographiques et j'ai tout de suite recherché comment l'immortaliser et l'illustrer au mieux de sa splendeur. Quel endroit représenter de cette immensité mal adaptée au format 24x36, avec quel sujet, quels plans, quel cadrage et quelle focale ?

             Après un tour d'horizon, le lieu que j'ai choisi de prendre en photo s'est rapidement imposé à moi pour plusieurs raisons. D'abord pour sa lumière comme je viens de la décrire ainsi que pour sa composition harmonieuse toute étagée en plans horizontaux successifs s'éloignant dans le lointain. Ensuite j'ai été attiré par l'opposition des couleurs chaudes / froides entre la terre et le ciel, le tout souligné par un subtil dégradé de teintes entre les deux. Il y avait un réel contraste entre le monde d'en bas, celui des hommes, celui où on vit, et la froideur à la fois belle et hostile de ces montagnes à la blancheur immaculée. Il y a des jours comme çà où dans le viseur on "sent" qu'il y a une photo à faire.

             J'ai utilisé mon 2.8/70-200 L vers sa focale maximale et j'ai déclenché à la limite du couple vitesse / diaphragme censé produire une photo nette à main levée avec du 100 ISO. Tiraillé alors par quelques doutes sur l'issue possible de cette prise de vue dans ces conditions, il s'est révélé par la suite à mon plus grand plaisir que cette photo était à la fois parfaitement piquée et exposée. Et surtout l'ambiance magique de ce matin là était tout aussi bien rendue...